Le testament de Merce Cunningham : un cas d’école

  • Mémoire & danse

Merce Cunningham n’a pas souhaité que sa compagnie continue sans lui, conscient des difficultés à venir pour trouver des financements qui ne reposaient que sur ses créations.

Enquête menée par Isabelle Danto

Merce Cunningham s’est éteint le 26 juillet 2009, chez lui à New York, après avoir imaginé la vie sans lui : un testament sans précédent qui reste sa dernière innovation et dernière audace. En accord avec le Legacy Plan de la Cunningham Dance Foundation, élaboré par Merce Cunningham lui–même pour assurer la conservation durable de son héritage artistique, sa compagnie a lancé en Février 2010 une ultime tournée, le Legacy Tour, avec la reprise d’œuvres essentielles dans près de 50 villes à travers le monde et une dernière performance historique au Park Avenue Armory de New York, le 31 Décembre 2011.

Une dernière audace

Merce Cunningham n’a pas souhaité que sa compagnie continue sans lui, conscient des difficultés à venir pour trouver des financements qui ne reposaient que sur ses créations, comme Nearly Ninety, sa dernière création qu’il a révélé au public new-yorkais le jour même de ses 90 ans, le 16 avril 2009.

Dans son « testament », Cunningham annonçait ainsi la dissolution de la troupe après ce Legacy Tour et précisait, entre autres, comment il désirait que ses œuvres lui survive. Pour réaliser ce programme testamentaire, une campagne de levée de fonds de 8 millions de dollars (5,30 millions d’euros) avait alors été lancée. Des lieux avaient aussi été sollicités pour soutenir le legacy plan en participant financièrement à la recréation par la compagnie d’une pièce disparue du répertoire, comme le Roaratorio qui a ouvert la 30e édition du Festival Montpellier Danse et inauguré le 18 juin 2010, le nouveau Théâtre de l’Agora.

Annoncé en juin 2009, ce plan de trois ans a donc inclus la tournée d’adieu de la Merce Cunningham Dance Company puis le financement pendant un an de la transition et de la reconversion de carrière pour les danseurs, les musiciens, et le personnel qui ont investi leur temps et leurs efforts créatifs vers la réalisation de la vision créative de Cunningham. Il a encore inclus la fermeture de la Merce Cunningham Dance Company et de la Fondation Cunningham Dance créée en 1964 pour soutenir sa création.

Pour les générations futures, le Legacy Plan a prévu la création d’outils spécifiques intitulés « Dance Capsules », des capsules numériques qui documentent à ce jour plus de 80 œuvres du chorégraphe à partir des archives : des notes chorégraphiques, des vidéos, des films, du son, des photos, les programmes et les dossiers de presse, les costumes, les notations de mise en scène, les lumières et les décors.

Merce Cunningham Trust

La fondation a ainsi conclu ses opérations en juin 2012 pour transférer ses actifs à la Merce Cunningham Trust, organisme sans but lucratif, créé en 2000 et aujourd’hui dépositaire de l’héritage artistique de Cunningham à perpétuité. (150 danses et plus de 800 « événements » créés au cours de sa carrière de 65 années !). Le Trust composé de huit trustees, tous des collaborateurs choisis par Cunningham (Laura Kuhn, Patricia Lent, Allan G. Sperling, Robert Swinston, Trevor Carlson qui rejoint le Trust en 2011, Jeff Seroy -Vice-président en publicité et markéting à Farrar, Strauss, Giroux-, Rashaun Mitchell -ancien danseur de la Merce Cunningham Dance Company et professeur associé au Tisch|NYU-, et Laurence Getford -compositrice, ancienne archiviste de Robert Rauschenberg-) offre aujourd’hui sur sa chaîne youtube une large gamme de programmes conçus pour préserver et renforcer l’héritage de Cunningham, y compris les classes de technique Cunningham, sans oublier la Bourse Cunningham, qui soutient la reprise des danses du chorégraphe. Le Trust octroie également des licences Cunningham et travaille avec des institutions éducatives et culturelles à travers le monde pour monter des expositions, des spectacles et des projets qui célèbrent les réalisations artistiques et hors normes de Merce Cunningham.