Merce Cunningham

Merce Cunningham a fêté le 16 avril 2009 ses 90 ans. Il s’est s’éteint quelques mois plus tard, le 26 juillet 2009.

Merce Cunningham est né en 1919, à Centralia (dans l’état de Washington). Après des études de lettres et de théâtre, il est entré au Cornish Institute of Applied Arts, à Seattle, où il rencontra John Cage, professeur, qui sera son compagnon et collaborateur. Lors d’un stage au Bennington College of the Arts, Martha Graham le remarque et l’engage dans sa compagnie (1939). Il devient l’un de ses danseurs solistes (il est l’interprète notamment d’El Penitente, de Letter to the World et d’Appalachian Spring).

Il commence à chorégraphier, en totale rupture avec l’expressionnisme viscéral de Graham, et présente ses premiers soli à New York en 1944. Inspirés par le livre chinois des « mutations » (le Yi-King), Cunningham et Cage – auxquels s’associe le peintre Robert Rauschenberg – créent l’événement avec Theatre Piece au Black Mountain College (1952) : la représentation s’improvise en happening.

L’année suivante, Cunningham crée sa compagnie à New York. Les débuts sont difficiles. La Merce Cunningham Dance Company bouscule les habitudes du ballet : pas d’argument, pas de rapport à la musique, pas de vision en perspective de la scène à l’italienne. En 1964, la compagnie s’envole pour une tournée internationale de six mois, se produisant en Europe de l’Ouest (première fois à Paris, en juin, au Théâtre de l’Est Parisien), en Europe de l’Est et en Asie. La reconnaissance publique et critique viendra plus tard, en particulier en France, où Merce Cunningham aura une influence importante sur ce qu’on a appelé la « jeune danse française » (années 1970-1980).

Merce Cunningham aura révolutionné la façon de penser la danse : en la rendant indépendante de la musique qu’elle n’illustre pas, en laissant le mouvement parler de lui-même, sans le charger d’une histoire à raconter ou d’un sentiment à exprimer. « Tout ce qui est vu trouve sa signification à l’instant même. Le sujet de la danse, c’est la danse elle-même. » Ayant eu toute sa vie la passion d’explorer et d’inventer (faisant notamment intervenir le hasard – à la suite des musiques « aléatoires » de John Cage – dans la composition de ses pièces : l’ordre des séquences dansées pouvant être tiré au sort, juste avant la représentation, par exemple – c’est le cas des Events), Merce Cunningham s’est montré précurseur dans l’utilisation des nouvelles technologies : possibilités offertes à la danse par le film et la vidéo, multiples combinaisons développées par programme informatique (LifeForms) pour construire la chorégraphie, reproduction du mouvement par des capteurs lumineux posés sur les corps des danseurs.

Pendant 70 ans – et avec quelques 200 pièces pour lesquelles il a su solliciter les artistes de son temps (Andy Warhol, Jasper Johns, David Tudor, Earle Brown, mais aussi Radiohead) – Cunningham aura été à la pointe de l’avant-garde.

Josseline Le Bourhis, auteure

Crédit photo © Annie Leibovitz (1997)

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