Depuis janvier 2017, vous êtes à la direction du Centre chorégraphique national d’Orléans. Aujourd’hui, qu’est-ce qui définit votre démarche artistique ?
Je travaille depuis de nombreuses années à mettre la musique au cœur de mes projets. Elle est à la fois, dans son rapport à la danse, le sujet et l’objet de ma recherche. D’ailleurs, pour mes différentes créations, j’ai collaboré avec des compositeurs et ensembles de musique contemporaine à qui j’ai commandé des œuvres. La musique, la lumière, la scénographie, l’espace sont tout aussi importants que la danse. Concrete, créée en 2015, illustre la manière dont ces médiums interagissent entre eux pour créer des formes dites opératiques. Pour ma prochaine création, Twenty-seven perspectives présentée au 38e Festival Montpellier Danse, je souhaite me servir de ce qui a nourri mon travail jusqu’à présent et me concentrer sur mon histoire, ce « d’où je viens » qui est l’écriture chorégraphique.
Twenty-seven perspectives s’inspire de la Symphonie n°8 Inachevée de Schubert, pouvez-vous nous parler de ce nouveau projet ?
Dans toutes mes créations la musique détient une place importante. Dans Twenty-seven perspectives, elle n’est plus au cœur du projet mais est un élément médiateur qui sert à créer une forme par et pour la danse. Je continue à travailler la relation entre la musique et la danse mais en l’imaginant par le prisme des danseurs c’est-à-dire comment ces derniers peuvent donner à voir ou à entendre une musique qui ne s’entend pas nécessairement et créer, ainsi, une sorte de symphonie chorégraphique ? Ce questionnement m’a conduite à la Symphonie n°8 Inachevée de Schubert. L’idée est peut-être d’achever cette symphonie, voire d’en épuiser sa forme autour de variations gestuelles et chorégraphiques interprétées par dix danseurs qui sont la matrice principale du projet. Twenty-seven perspectives découle des 27 esquisses perceptives du plasticien Rémy Zaugg qui a travaillé sur la notion d’épuisement d’une forme picturale à partir de La maison du pendu de Cézanne. Pendant 5 ans, il a créé des variations originales et abstraites de ce tableau ; processus créatif qui rejoint l’idée que je veux développer dans le projet.
Pour cette création, vous vous entourez de nombreux collaborateurs.
J’ai demandé à Pete Harden, musicien et compositeur, de m’aider à écrire une forme d’interprétation très subjective d’arrangements de cette Symphonie n°8 Inachevée de Schubert de manière à ce qu’on puisse, dès les prémices du processus de création, dégager des modalités d’écriture chorégraphique à partir de cette réécriture musicale. J’ai également demandé à Éric Soyer de me rejoindre sur ce projet afin de mettre en valeur la symphonie chorégraphique recherchée. Nous avons la chance de présenter le projet au Théâtre de l’Agora qui est un lieu empreint d’histoire avec une architecture spécifique puisqu’il s’agit d’un théâtre à ciel ouvert. Avec Éric, nous imaginons une scénographie qui questionne la porosité entre le public et les danseurs et qui prend en considération les murs du théâtre dans une idée d’immersion. Enfin, Alexandra Bertaut, collaboratrice récurrente, corrobore au projet en créant les costumes du spectacle. Toutes les deux, nous souhaitons mettre en valeur l’harmonie du groupe et travailler autour de cette forme d’unisson. Ce dernier va vriller, se déconstruire, créant ainsi des formes de dissonance en lien avec l’interprétation de chaque danseur. Les costumes mêlent le style académique en danse avec des idées actuelles.