— Toutes les représentations affichent « complet » —
2019, la nouvelle création d’Ohad Naharin pour la Batsheva, compagnie qu’il aura dirigée pendant près de 30 ans et auprès de laquelle il reste le principal chorégraphe, est un spectacle d’une liberté absolue autant dans le propos que dans son expression plastique. Il s’éprouve plus qu’il ne se raconte. On y retrouve la puissance tellurique et la douceur lyrique sans miévrerie auxquelles le chorégraphe nous a habitués. Alternant sauvagerie et délicatesse dans des solos, duos et danses de groupe qui ne sont pas sans rappeler Pina Bausch, et soutenus par un mixage musical qu’il a lui-même réalisé, Naharin et ses danseurs réussissent à nous faire penser le monde dans lequel nous vivons. Ce que peut un corps semble ici ne connaître aucune limite, que ce soit dans les chutes vertigineuses, les contorsions extrêmes ou dans une simple marche rythmée. Le mixage musical mêlant chansons israéliennes, arabes et textes du dramaturge Hanoch Levin est particulièrement soigné. La danse de Naharin athlétique et signifiante, où la perfection formelle accompagne la vérité du geste, rappelle, par une expressivité parfois très « abstraite », qu’il est un chorégraphe héritier de la double modernité allemande et américaine, tout autant que porteur de la double culture orientale et occidentale de son pays, Israël, qui plus est, un pays neuf où tout peut encore s’inventer. L’architecture conçue spécialement pour ce spectacle par le scénographe Gadi Tzachor réunit le public et les danseurs dans une même « réalité » pendant 75 minutes d’une intense beauté. Comme à leur habitude, les danseurs de la Batsheva, tous rompus à la méthode Gaga de leur chorégraphe et impliqués dans le processus créatif, servent avec une énergie, une concentration et une précision rares ce spectacle conçu comme une réflexion sur la condition humaine qu’Ohad Naharin nous fait partager le temps d’une représentation. Sonia Schoonejans
Ohad Naharin est né en 1952 à Mizra en Israël. Sa mère est chorégraphe, professeure de danse et enseigne la méthode Fekdenkrais. Son père est acteur et psychologue. Il rejoint la Batsheva Dance Company en 1974. Pendant sa première année, la chorégraphe invitée Martha Graham lui propose de rejoindre sa compagnie à New York. Entre 1975 et 1976, Naharin étudie à la School of American Ballet et à la Juilliard School. Il rejoint ensuite l’école Mudra de Maurice Béjart à Bruxelles. Naharin retourne à New York en 1979 et fait ses débuts en tant que chorégraphe. En 1990, Naharin est nommé directeur artistique de la Batsheva Dance Company, et la même année, il établit la catégorie Junior de la compagnie, Batsheva – the Young Ensemble. Après presque trente ans de direction, il quitte ses fonctions de directeur artistique en 2018 et continue de servir en tant que chorégraphe résident de la compagnie. En plus de son travail pour la scène, Ohad Naharin invente Gaga, un langage innovateur du mouvement basé sur la recherche d’accentuation des sensations et de l’imagination, la prise de conscience des formes, la recherche de nouvelles habitudes de mouvement, et le dépassement des limites que l’on connaît. Gaga est l’entraînement quotidien des danseurs de la Batsheva. Naharin a reçu une formation musicale durant son enfance et continue d’infuser son travail d’une musicalité unique. Il collabore avec des groupes de rock israéliens. Sous le pseudonyme Maxim Waratt il compose la musique de MAX (2007), édite et mixe la bande sonore de Mamootot (2003), Hora (2009), Sadeh21 (2011), The Hole (2013), Last Work (2015) et Venezuela (2017). Dans son documentaire Out of Focus réalisé en 2007, le réalisateur Tomer Heymann filme le processus de reprise de Decadance avec le Cedar Lake Contemporary Ballet. En 2015, les Heymann Brothers réalisent le documentaire Mr. Gaga. En 2018, Decadance entre au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris. En 2019, il crée 2019. À la fin de la pièce, les danseurs s’allongeaient sur les genoux des spectateurs, cette fin n’a pas pu être conservée en raison des mesures sanitaires. En 2020, il reprend Yag spécialement pour l’écran. De nationalité Israélienne et naturalisé Américain en 1991, Naharin vit actuellement en Israël avec sa femme, Eri Nakamura danseuse et créatrice de costumes et leur fille, Noga.
Installée au Centre Suzanne Dellal à Tel-Aviv, la Batsheva Dance Company a été fondée en 1964 par la chorégraphe américaine Martha Graham et la baronne Batsheva de Rothschild. Confiée à Ohad Naharin en 1990, elle a accueilli des personnalités comme Mats Ek, Angelin Preljocaj ou William Forsythe. Avec la Batsheva – the Young Ensemble, la compagnie rassemble plus de quarante danseurs à la fois israéliens et étrangers. Ohad Naharin y a introduit la technique Gaga, s’appuyant sur une compréhension individuelle du corps et de ses limites propres, permettant à chaque interprète de les dépasser. Cette méthode invite à libérer les corps autant que les personnalités de chaque danseur de la compagnie. Ohad Naharin a par la suite transmis en septembre 2018 la direction artistique de la compagnie à Gili Navot, danseuse à la Batsheva et professeure de la technique Gaga depuis de nombreuses années. Il reste chorégraphe résident à la Batsheva. Après quatre ans, Gili Navot quitte désormais son poste de directrice, un appel à candidature est actuellement ouvert.