Danser pour conjurer l’oubli ? En 2004, avec Reproduction qui s’inspirait des figures du Kama Sutra, la danseuse et chorégraphe Eszter Salamon interrogeait le pouvoir et le désir à travers la reconfiguration continue des corps. Que reste-t-il des mouvements de l’époque ? MONUMENT 0.9: Replay revient à ce matériau chorégraphique, avec cinq interprètes, pour le « rejouer » et développer les interactions entre la voix, le langage et le mouvement. Traversant des paysages sonores, la pièce explore le lien entre la beauté du toucher et l’écoute, célébrant l’épiderme comme lieu de perception, de vibration et d’échange. Les corps dénudés s’agencent et se réagencent dans un temps étiré, invitant les spectateurs comme les performeurs à redécouvrir les qualités physiques, fictionnelles et poétiques de la peau. Les ralentis surprenants, la sensualité assumée et l’empathie pour réécrire ce qui se présente comme un « traité du plaisir : plaisir de dessiner les mouvements, plaisir de regarder ». MONUMENT 0.9: Replay crée ainsi un espace partagé, « un écosystème où peuvent coexister des architectures vivantes et mortes, des corps organiques et inorganiques, des énergies matérielles et immatérielles ». C’est une œuvre radicalement polyphonique, qui joue et rejoue sans fin l’intimité pour redonner formes et contours à une histoire à plusieurs voix qui libère l’imaginaire de chacun. Isabelle Danto
Spectacle précédé à 17h du film Reappearance
Performeuse, danseuse et chorégraphe, Eszter Salamon se forme dès son plus jeune âge à travers l’apprentissage de la danse traditionnelle hongroise, puis du ballet classique et enfin de la danse contemporaine. Une expérience complète et exigeante qu’elle met d’abord au service de Sidonie Rochon, Mathilde Monnier ou encore François Verret. Elle commence sa carrière de chorégraphe en 2001 avec les solos What a Body You Have et Giszelle avec Xavier Le Roy. Depuis, elle multiplie les projets et les formes – pièce musicale, film chorégraphique, conférence, pièce autobiographique… – qui interrogent la façon dont la danse crée des récits. Affirmant que danser n’est pas seulement l’affaire des corps et de leur organisation dans l’espace et le temps, elle construit son propre système en utilisant différents média : l’absence de corps, le texte, l’image, la parole, la musique, l’histoire. Son objectif ? Générer de nouvelles compréhensions du langage chorégraphique et élargir toujours plus le champ des imaginaires. En 2014, Eszter Salamon a commencé une série de pièces explorant à la fois la notion de monument et la pratique d’une réécriture de l’Histoire. Son exposition Eszter Salamon 1949 a été présentée en 2015 au Jeu de Paume à Paris. De 2015 à 2018, elle est artiste associée au Centre national de la danse à Pantin. En 2019, elle est artiste en résidence à Nanterre-Amandiers. En 2020, elle crée Still Dance For Nothing en collaboration avec Vânia Doutel Vaz, une artiste formée au ballet et à la danse contemporaine. En 2021, elle crée Replay où elle explore la voix, le toucher et la peau comme lieu de détection, de vibration et de relation, pour imaginer un nouveau « traité du plaisir ». Dans un paysage sensoriel, des corps organiques et inorganiques, des intensités matérielles et immatérielles coexistent pour former un monde polyphonique.