Vous avez grandi ensemble, dansé ensemble, chorégraphié ensemble puis vos chemins se sont séparés. Qu’est-ce qui vous a donné envie de retravailler ensemble ?
MM : Ce projet fait partie intégrante de ce qui nous anime. Nous avons le désir de transmettre notre expérience – avec l’espoir que ces danseurs continuent à grandir. En ce qui me concerne, ce projet me touche dans ma chair notamment parce que beaucoup de choses sont liées à mon histoire, à ce que ces danseurs sont et représentent.
KA : Avec ce projet, on réalise davantage pourquoi nous sommes arrivés dans la danse et comment la danse est une ouverture et une émancipation. Et puis, dans nos propres parcours, il y a eu des personnes, des passeurs qui ont cru en nous et qui ont permis de faire en sorte que nous arrivions là où nous en sommes. Aujourd’hui, notre place est aussi ici, en étant à notre tour les passeurs.
Quel a été votre ressenti en décembre 2016 lors de l’audition de sélection qui a rassemblé plus de 180 danseurs marocains ?
MM : L’audition a été une surprise ! Quand on voit cette jeunesse, ces talents, ces désirs d’exister, de partager, il est impossible de rester insensible. Cette énergie positive est à l’opposé de ce que nous traversons en France. Elle apporte la meilleure des réponses aux préjugés que l’on peut avoir en Occident sur le monde arabe.
KA : Le hip hop a une dimension universelle, mondiale, mais il se nourrit de là où il est, de sa culture et de sa géographie. À l’audition, nous avons découvert des danseurs marocains d’un extrême niveau technique et dans une grande énergie spontanée. Ça marque la dynamique de la danse ici au Maroc.
Comment avez-vous abordé le travail avec les danseurs ?
MM : C’est un projet qui s’inscrit sur une année, ce qui laisse le temps de la rencontre. Nous tricotons à partir des danseurs qui ont le désir de passer de la rue à la scène, de se surpasser. En plus de donner à ces jeunes la possibilité de modifier leurs destins, c’est un défi artistique en tant qu’artiste. Que faisons-nous avec ces corps, avec cette énergie, avec cette histoire et cette culture ? Comment nous traduisons tout cela dans un spectacle ?
KA : Même s’ils ne sont pas des danseurs confirmés, ils sont, en tous cas, confirmés dans leur état d’être et dans leur générosité. On prend du plaisir à chercher avec leurs forces et leurs fragilités. Et, tout l’intérêt de cette création est de les emmener ailleurs, au-delà de leur technique, pour être des interprètes sur un plateau au service d’un propos chorégraphique.
La dernière fois que vous avez travaillé ensemble remonte à 2003, avec un spectacle présenté en Algérie à partir des pièces de vos répertoires. Aujourd’hui, comment abordez-vous le travail ensemble ?
MM : Avec Kader, nous avons envie de vivre une forme de partage, d’échange, créer ensemble et montrer que cela est possible. Effectivement, même si nos routes se sont séparées il y a plus de 20 ans, nous sommes ravis de nous retrouver et de relever ce nouveau défi.
KA : On est sur une aventure commune à partir des danseurs. Nous sommes convaincus que nous allons aboutir à un spectacle. Déjà, en cinq jours de répétitions, il y a eu une vraie différence, ce qui en dit long sur leurs attentes, leur investissement et notre capacité à inventer avec eux.
Six semaines de répétitions ont eu lieu entre mars et décembre 2017. Comment a évolué le projet ?
MM : Il va falloir qu’on continue à attirer les uns et les autres pour s’assurer de leur manière de vivre la danse, de vivre les chorégraphies qu’on leur a proposées. C’est une étape qui ne va pas être facile. On va resserrer et essayer de tirer le meilleur de chacun. Ce qui est intéressant c’est que finalement en une dizaine de semaines de travail ce projet équivaut probablement à trois ans de formation pour eux. Ce qui nous importe c’est le fait que ces danseurs continuent, après cette aventure, à grandir dans leur parcours individuel. Au-delà du spectacle, c’est aussi à cet endroit-là que l’on s’inscrit avec Kader.